samedi 15 octobre 2022

L'expo Nicolaou et son album-souvenir

Je devais évoquer il y a quelques semaines cette expo et la publication de ce joli album-catalogue biographique.
Mais sans pouvoir au minimum donner une adresse pour se procurer ce dernier, je risquais de me retrouver confronté à d'incessantes demandes ("À qui s'adresser ?" ; "
Comment faire pour le commander ?" ) pour lesquelles je n'avais pas de réponse !

Ouf, j'ai fini par obtenir les infos essentielles (voir en fin d'article).

Et puis, le brusque décès de François Corteggiani (article précédent) a bouleversé le petit monde de Pif et de ses anciens lecteurs...

Concernant l'expo elle-même, qui se tient (jusqu'au 30 octobre, et peut-être au-delà, mais je n'ai pas d'info pertinente à ce sujet), l'idée en avait été lancée il y a 2 ans, puis concrétisée partiellement l'an dernier, avant que l'Office du Tourisme de St-Georges de Didonne, où Jacques Nicolaou résidait depuis la fin des années 70, décide de lui ouvrir tout un étage. L'expo est gratuite et ouverte à tous, faut-il préciser.

- > article sur l'ouverture de l'expo, ici

La propre fille de Jacques, Béatrice, a fourni archives, planches originales, dessins, aquarelles, photos, etc., pour que cette expo rende compte de la somme de travail accumulée par son père.
Ci-dessous, quelques images de l'expo (merci à Béatrice Nicolaou pour les photos !) :




(Ci-contre, Béatrice avec son papa, dans les années 80 : photo tirée de l'album-souvenir)

Il fallait que cette expo, si modeste soit-elle, ait un catalogue ou a minima un album-souvenir qui soit à l'image du père adoptif de Placid et Muzo, et géniteur de Tib, Mecton, etc.
Paul-Louis Bouchet s'y est attelé et il a créé pour la Ville, avec sa petit maison d'édition Bonne Anse, un très joli recueil broché de 36 pages, à la manière d'un album de BD, qui retrace le parcours de Jacques Nicolaou, agrémenté de photos de jeunesse inédites, de gags, illustrations, et diverses archives familiales.
Il est mimi, rétro, bucolique... enfin bref, il ressemble beaucoup à son sujet ! Et il a été conçu en un temps record.



Un "must" pour tout ancien lecteur de Pif-Gadget... surtout s'il est un brin collectionneur !

Ci-dessus : vue de l'expo à l'étage, mêlant agrandissements de gags et illustrations, panneaux biograpiques, peintures de Jacques Nicolaou (acryliques) et souvenirs de l'époque Pif-Gadget. Au fond : Paul-Louis Bouchet, éditeur de l'album-souvenir.

Notre ami Jacques nous a quittés en avril dernier (petit article ici) mais avait pu voir la progression du projet, dont il se réjouissait.
Dommage, vraiment, qu'il n'ait vu la chose terminée. Idem pour l'album-souvenir, dont il eut certainement été très fier.

Lors de notre dernière conversation, en mars, j'évoquais le dossier que je préparais sur lui, pour une future version papier de la gazette. Il en était tout heureux. Mais là encore, parmi les projets post-Covid qui avaient été reculés sans cesse, ce dernier verra le jour sans lui.
Le pire, c'est qu'entretemps je suis tombé sur une interview improvisée devant sa maison, il y a 10 ans, dont j'avais totalement oublié l'existence. Elle avait été enregistrée en marge du film-souvenir que je lui avais concocté pour en faire un beau souvenir (avec famille et amis) de ses 60 ans de "carrière" dans la BD.

-> À VOIR ICI : LE FILM "La fête à Nico", quand Nicolaou fêtait avec ses amis ses 60 ans de métier, il y a exactement 10 ans.


Nous aurons donc l'occasion de revoir et réentendre l'ami Jacques - avec un petit pincement au cœur - évoquer quelques souvenirs personnels, lorsque ce petit film biographique sera monté, avant la fin de l'année.
Il en avait vu les principales images, mais pas toute l'interview, et pas du tout ce passage resté inédit.

Le père adoptif de Placid et Muzo reviendra ainsi, virtuellement, nous faire une visite avant Noël...

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Pour vous procurer l'album-souvenir de l'expo Nicolaou (il vaut 10€ seulement), adressez un mail à l'Office du tourisme ici :  https://www.royanatlantique.fr/contact/

(Je ne garantis pas les délais de réponse !)


jeudi 22 septembre 2022

François Corteggiani, 1953-2022

Il est souvent question dans ces pages de la disparition d'un auteur ayant travaillé pour le journal, qui nous a marqués, que nous apprécions, etc.
Bien souvent, celui qui m'appelait pour m'apprendre la triste nouvelle (ce fut le cas l'an dernier pour Mandryka, par exemple), c'était François Corteggiani.
Je n'aurais jamais imaginé qu'il s'en irait soudainement, le jour de son anniversaire (21 septembre, début de l'automne), à l'âge de 69 ans à peine, et que nous nous retrouverions tous à évoquer sa disparition... à lui... :-(

Je vais simplement reprendre plus loin le texte posté sur Facebook aujourd'hui.
Il y aura des hommages très nombreux, car Corteggiani était réellement le "monstre" de la BD populaire, qui avait connu à peu près tous les grands auteurs, avant d'en devenir un à son tour, et faisant participer un très grand nombre de dessinateurs à ses diverses créations ou reprises. Quand on pense qu'il reprenait depuis de nombreuses années le scénario de séries aussi célèbres que Jonathan Cartland, Guy Lefranc, Blueberry...
C'est dire à quel point il vient de laisser un grand vide.


Ci-contre : en 1993, à l'époque où Pif-Gadget cessait de paraître, François Corteggiani avait eu droit à un grand entretien, et la couverture,  dans HOP! - revue créée et dirigée par un ancien du journal : Louis CANCE.

En 2012, il avait même réussi à écrire un album des Pieds Nickelés, avec son ami Herlé au dessin, et ils préparaient un second album prévu pour l'année prochaine, mais qui ne verra pas le jour.
Voici la couverture de l'album paru.


Il y a 2 ans, il avait eu le plaisir d'éditer lui-même, dans un bel album, l'intégrale de sa série pour Pif-Gadget, Pastis (nous en avions fait la promo alors), qui était indirectement un hommage à son grand frère Jean-Pierre Corteggiani, archéologue. Ce dernier s'était éteint en début d'année.


Son caractère entier, parfois emporté, dissimulait une vraie générosité, tandis que sa carapace d'auteur solitaire cachait mal son plaisir d'être (bien) entouré. La création de son "Bistro-BD" était peut-être la manière parfaite qu'il avait trouvée pour créer ce grand moment de convivialité indispensable.
Voici le lien pour parcourir l'article illustré (et le film de l'événement) à l'occasion de l'édition 2013 de son "Bistro-BD".
Ce jour-là, François fêtait aussi ses 60 ans :

http://mandrake-de-paris.blogspot.com/2014/03/bistro-bd-dedicaces-au-soleil.html

Il est tout de même troublant, pour ne pas dire plus, que l'auteur qui avait repris le scénario du Pif d'Arnal fasse exactement comme ce dernier, et "choisisse" de nous quitter précisément le jour de son anniversaire. Il aimerait certainement cette info paradoxale et la partagera à coup sûr avec son ami Mandryka, quand il le retrouvera.

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Facebook - 21 septembre 2022 - 13h

C'est complètement hallucinant...
On souhaitait son anniversaire hier à François Corteggiani (qui fêtait ses 69 ans) et ce matin on apprend sa disparition.
Dans 10 jours doit se tenir le Bistro-BD qu'il avait créé à Carpentras et qui était la réunion la plus conviviale possible d'auteurs de BD et de lecteurs, sous le soleil provençal...
C'était (incroyable de parler de lui à l'imparfait...) un pilier de la BD franco-belge (mais aussi italienne !), le scénariste d'innombrables séries (La jeunesse de Blueberry, Lefranc, mais une infinité de bandes dans tous les registres - il avait même repris les Pieds Nickelés, dessinés par son ami Herlé). Ceux de ma génération se souviennent évidemment de sa reprise du personnage de Pif dans le journal éponyme (dont il fut le rédacteur en chef BD dans les années 2000, lui qui avait passé une bonne quinzaine d'années au journal à partir de 1973). Et depuis 2011 il était l'auteur des fameux "strips" de Pif le chien dans le journal qui avait vu la naissance du personnage en 1948 : L'Humanité.

(Ci-dessous, son 1000ème strip, hommage à Arnal :)


C'était un interlocuteur toujours passionné, animé, fondu de BD, collectionneur invétéré, qui emplissait l'espace physique et sonore, qui était devenu la centrale atomique de la BD populaire, connaissant et fréquentant tous les auteurs, lui qui avait également constitué un véritable réseau avec les dessinateurs italiens, lesquels avaient grâce à lui fait partie de l'aventure Pif, notamment.
Quel que soit le projet BD qui voyait le jour, non seulement François était le premier au courant... mais bien souvent il en faisait partie, ou avait été consulté avant sa mise en chantier.
Le nombre d'auteurs de la génération "post-Pif" qui lui doivent quelque chose est proprement incroyable.
Il m'avait permis de rencontrer les auteurs de son Bistro BD, et nouer quelques amitiés. Je me souviens d'ailleurs que la dernière fois que Mandryka s'était vraiment bien amusé à signer des dessins, c'était là-bas. (Et quand Nikita est mort l'an dernier, subitement, François ne s'en était pas remis).

Les voici en 2013, à Paris, s'amusant comme des sales gosses, en fin de repas :


Et c'est grâce à lui que j'avais notamment pu interviewer le grand Cavazzano.
On reparlait de tout ça au téléphone il y a 2 semaines à peine. J'ai appris qu'il s'est éteint, assez brusquement, à la fin d'un beau repas et entouré de sa famille et ses amis, venus fêter son anniversaire. Je suis certain qu'il n'aurait pas imaginé son départ autrement, mais évidemment quelques décennies plus tard...
Encore sous le choc, je partage une photo prise il y a 12 ans, et qu'il aimait bien (je l'avais alors surnommé "l'Orson Welles des p'tits Mickeys"), et plus bas une autre pour l'édition 2015 du Bistro-BD.
 
Toutes mes pensées à ses deux fils, Baptiste et Timothée, qui vont devoir reprendre la baraque, ce qui va être très lourd et compliqué.
(Baptiste travaillait avec François sous le pseudo Bonaventure, et assurait entre autres les couleurs du Pif dessiné par son père).

Ciao, l'ami François.

Jean-Luc Muller - 22-09-2022
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MISE À JOUR, décembre 2022 :
Sur le site BDZoom, Henri Filippini rend hommage à François Corteggiani et tente l'exploit de passer en revue la production phénoménale de Corteggiani. C'est en 2 parties, à lire ici :

http://bdzoom.com/182586/patrimoine/passion-bande-dessinee-hommage-a-francois-corteggiani%E2%80%89-premiere-partie/

http://bdzoom.com/182719/patrimoine/francois-corteggiani-passion-bande-dessinee%E2%80%89-seconde-partie/
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Ci-dessus : François en 2015, fier de présenter l'affiche dessinée par son copain Mandryka.

Ci-dessous
: montage-maison à partir d'une photo prise à la rédaction de Pif-Gadget à la fin des années 70. On y reconnaît Jacques KAMB (derrière l'enfant), le rédacteur Claude BARDAVID, André CHERET (au centre) et derrière lui, la tête qui dépasse est celle de François CORTEGGIANI :


 Épuisés, après une longue journée, non-stop, de Bistro-BD en septembre 2013 :

François Corteggiani au travail sur un strip de Pif le chien, en 2012 :

 
 François Corteggiani avait voulu dès 2014 réunir ses "strips" de Pif dans l'Huma en recueils.
Mais faute de pouvoir convaincre L'Huma (qui avait d'autres difficultés à gérer) ou un éditeur pointu, il avait décidé finalement de sortir ça lui-même, en pirate : ce sont les 200 premiers gags qu'il avait compilés (et ils étaient tous mis en couleurs, par son fils, car il faut savoir que les strips ne paraissaient, au début, qu'en noir et blanc, avant de passer à la couleur en cours de route).
Corteggiani se dessinait en 4e de couverture un peu comme il s'imaginait : en franc-tireur de la BD, sale gosse éditant ses petits strips au nez et à la barbe du grand patron, et à destination de son groupe d'aficionados... (Ce recueil est tellement "hors des clous" qu'on n'y dénichera aucune mention d'éditeur, dépôt légal, prix, nom de qui Que ce soit... Il en avait tiré 500 exemplaires, et je me demande s'il ne les avait pas tous vendus très rapidement d'ailleurs !)

Petite dédicace à l'auteur - une parmi d'autres - avec la référence à mon idole BD d'enfance, Mandrake :


 

lundi 5 septembre 2022

Il y a 40 ans, Arnal...

Un triste jour de septembre 1982, les membres de la rédaction du journal Pif-Gadget apprenaient peu à peu la nouvelle de la disparition du créateur de Pif le chien, auquel ils devaient le nom du journal pour lequel ils travaillaient, mais aussi un certain état d'esprit graphique, et des personnages dont le point commun était la gentillesse, et une certaine rondeur graphique. 
 
José Cabrero Arnal, auteur et illustrateur espagnol, réfugié en France à la Libération, rescapé des camps de Mauthausen, avait été accueilli par des camarades qui lui trouvèrent rapidement un travail que sa santé précaire lui permettait d'effectuer et prolongeait le début de sa carrière dans les illustrés espagnols : il dessinera pour des journaux français (en l’occurrence, ce sera L'Humanité), puis pour un illustré jeunesse (Vaillant) et d'autres titres ensuite.
On lui doit en France plusieurs personnages - toujours animaliers d'ailleurs - dont les premiers à connaître la notoriété seront Placid et Muzo, en première page de Vaillant. Pour le numéro de Pâques 1948 de L'Humanité-Dimanche, il créera le personnage de Pif le chien, sous forme de strip quotidien. Ce dernier rejoindra les pages de Vaillant pour Noël 1952 et ne quittera plus jamais le magazine, dont le nom empruntera progressivement celui de ce personnage, jusqu'à la création en février 1969 de la formule Pif et son Gadget Surprise, rebaptisé ensuite simplement Pif-Gadget.

La petite famille créé par Arnal autour de Pif le chien.

À la rentrée 1982, l'annonce de la disparition du créateur de Pif remua quelque peu le milieu de la presse BD, et les hommages fusèrent : on redécouvrit soudain l'importance qu'avait eue cet artiste discret mais indispensable, au parcours douloureux mais à la bonhomie restée intacte.
Et on se rendit compte aussi, avec étonnement, qu'il avait disparu précisément le jour de sa naissance, un 6 septembre. Comme s'il fallait absolument boucler la boucle, discrètement.

Dans 3 mois, un grand dossier sera consacré dans la Ouf-Gazette (des anciens lecteurs du journal) à José Cabrero Arnal et ses personnages. Aujourd'hui, nous avons choisi de lui rendre hommage à travers quelques souvenirs et archives.

Ci-dessus : l'annonce de la disparition d'Arnal dans L'Humanité-Dimanche début octobre 1982 (on y republiait le tout premier "strip" du personnage, datant d'avril 1948) et en-dessous l'une des photos de Jean Texier, tirée d'une série prise chez le dessinateur en 1974, et qui servira ensuite pour divers articles.

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Témoignages de ceux qui ont connu ou côtoyé Arnal, à l'époque où ils travaillaient dans le journal. (D'autres témoignages viendront les compléter pour un dossier de la Ouf-Gazette, à la fin de l'année) :

"Arnal était à l'image de son personnage : Pif était un chien foncièrement gentil, malin, qui se retrouvait dans des situations absurdes, parfois en conflit contre l'autorité, et dont il devait se sortir en gardant le sourire. Comme lui, son auteur était un vrai "gentil". 
Et quand il passait au journal, ce journal qui portait le nom de son personnage, Arnal donnait toujours l'impression de nous devoir quelque chose, alors qu'en définitive c'est nous qui lui devions tout."

- Richard Medioni - Arrivé à la rédaction du journal en janvier 1968 - Entretien de 2015.

Ci-contre : photo d'Arnal aux côtés de son épouse, par Willy Ronis pour le journal Regards, en 1948.
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Jean Ollivier m'avait appris la nouvelle en septembre 1982. Attristés, je me souviens que nous étions alors partis boire un verre à sa santé.
À l'époque, il ne passait plus au journal, mais je me souviens que Michel Motti (arrivé au journal fin 1969, et qui faisait partie des dessinateurs de Pif depuis 1974) en parlait souvent, car c'était quelqu'un qui l'avait marqué et avec lequel il ressentait un lien très fort. De mon côté, je n'avais pas eu l'occasion de croiser souvent Arnal, étant arrivé au journal un peu plus tard, mais l'image que je garde de lui, c'est celle d'un petit Monsieur discret, habillé en gris, avec un veston et une cravate. Ce qui m'avait marqué, c'était sa façon de fumer sa cigarette, à l'intérieur de la paume, comme s'il y avait un peu de honte à ça. Je me souviens aussi de sa voix, avec cet accent caractéristique.
Son style était très rond, et je le comparerais à quelqu'un comme Tezuka au Japon, pour le côté animalier et un trait doux et feutré. C'était un très très grand dessinateur.
Ses couvertures de
Roudoudou ou de Placid et Muzo étaient superbes, et méritent qu'il soit au Panthéon des illustrateurs.  

- François Corteggiani (Arrivé au journal fin 1973 - scénariste et dessinateur de Pif)

Strip-hommage à Arnal en 2018, qui était également le 1000ème dessiné par Corteggiani dans L'Humanité.

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Son dessin était tout en rondeur, c'était vraiment adorable. C'était un grand dessinateur et en voyant ce qu'il faisait à l'époque de Vaillant, je ne m'imaginais même pas réussir un jour à me hisser à un niveau comparable. Pour moi, Arnal, c'était la perfection. 

- Jacques Kamb  (Entretien en 2013)

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C'était vraiment un grand Monsieur, toujours gentil, très humble. Et alors, un coup de crayon et de pinceau vraiment épatants. C'était d'un niveau... Je peux dire que je lui dois tout, d'une certaine façon. Quand on m'a proposé de reprendre ses Placid et Muzo, il m'a encouragé, était toujours extrêmement sympathique, alors qu'il aurait pu me prendre de haut.
Il m'avait même proposé de m'offrir ses crayons, ses pinceaux... Je ne pouvais pas accepter, je ne me sentais pas à la hauteur, ça me gênait. Et chaque fois que je revois ses dessins, ses couvertures, etc., c'est vraiment parfait, il n'y a rien à redire, chapeau.
 

- Jacques Nicolaou (Entretien en 2012)


 Placid et Muzo par Arnal, en 1946.

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Je l'avais rencontré quand le journal m'avait proposé de travailler sur Pif (en alternance avec Louis Cance). C'était un Monsieur très gentil, sans aucune espèce d'égo.Il était très effacé et pouvait même passer quasi inaperçu. Il menait une vie simple, allait revoir ses copains quand il le pouvait, et parmi eux d'ailleurs quelques anciens camarades de l'époque de sa captivité. Sa santé était restée très fragile, mais il se sentait mieux quand il passait à l'atelier, ou qu'on allait prendre un verre. Il me donnait des conseils qui étaient toujours très précis, logiques, et je prenais des notes qui m'ont beaucoup servi pour m'améliorer. Je l'ai côtoyé de cette manière une vingtaine de fois, peut-être, et quelque fois aussi chez lui.
Je trouve que le journal ne l'a pas traité correctement, et en tous cas pas à la hauteur de ce qu'il représentait. On travaillait quand même dans un journal qui portait le nom de son personnage !
 

- Yannick (qui reprit en alternance le dessin de Pif à partir de 1969, puis connut le succès grâce à Hercule)

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Annonce pour la sortie de l'ouvrage Une vie de Pif, sous la direction de René Moreu, en octobre 1983.

Quand j’ai appris la mort d’Arnal, cela faisait un long moment, peut-être deux ou trois ans, que nous n’avions plus vraiment de nouvelles de lui. Il semblait couler une retraite à peu près paisible, après une vie très mouvementée.
Mais rétrospectivement, pour moi, après quarante ans, le sentiment qui domine c’est une succession de regrets. Je suis d’ailleurs en train d’écrire un texte à ce sujet.
Il y a notamment le regret de ne pas l’avoir mieux connu et plus sollicité. C’était un grand timide, et nous n’avions pas le désir de le bousculer. Mais j’aurais tant aimé avoir partagé plus de conversations, plus d’échanges de connaissances car pour nous (à la rédaction, et aussi pour les auteurs), c’était un peu notre père spirituel, au fond. J’avais eu la chance de me rendre chez lui et découvrir l’artiste dans son environnement.
Quand on pense au calvaire de sa jeunesse, le franquisme, les camps en déportation, et de l’imaginer à la sortie de Mauthausen, dans le dénuement le plus total, et pourtant plein de créativité et d’envie de vivre... Il n’en parlait jamais et je peux te dire qu’au journal, très peu savaient ce qu’il avait vécu. C’est le syndrôme partagé par beaucoup de rescapés, qui ne veulent pas ressasser et préfèrent se tourner vers l’avenir.

Quand il est mort, le journal a évidemment fait ce qu’il fallait, a conçu un numéro en son honneur, etc. Le choc était très grand et nous réalisions combien nous lui devions. Je pense d’ailleurs qu’on n’a pas fini de réévaluer sa place dans le monde de la BD et de l’illustration.
Et si je devais résumer son style ou son trait, je dirais qu’on y retrouve de la rondeur et de la gentillesse, pas une trace d’agressivité, même lorsqu’il dessine un personnage de policier. D’ailleurs, son père avait fait partie de la Guardia Civil (avec sabre au ceinturon, etc.) ce qui est assez étonnant si on y pense.
D’un mot, je dirai que son dessin traduisait toute sa bienveillance.

- Claude Bardavid  (Arrivé à la rédaction du journal en 1972)

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Le journal avait concocté un numéro spécial en hommage à Arnal, qui parut en janvier 1983. On y trouvait notamment ces deux pages, qui résumaient un peu le sentiment général à l'époque. (Il y avait également une courte biographie, des hommages en BD, etc...) :



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Toute la tendresse d'Arnal, qui s'exprimait toujours poétiquement à travers son bestiaire, avec cette illustration pour le journal Roudoudou :


Ci-dessous : dessin destiné à Pif-Gadget par l'italien Giorgio Cavazzano, en 1989.
Il y dessinait Arnal face à un Pif "new look", avec une référence directe à sa généalogie en présentant son ancêtre espagnol Top - que l'on considère assez généralement comme le "papa" de Pif le chien :
En 1980, Arnal avait écrit et dessiné un récit fantasmé, le dernier de sa carrière d'auteur de bandes dessinées. Destiné à l'Almanach de l'Humanité, il avait un caractère très autobiographique, comme un songe éveillé au pays de la BD. Il y croisait même... Mandrake !
Le dernier dessin de ce récit (qui, pour des raisons de retards postaux, ne fut pas publié à l'époque et resta même inédit à la mort d'Arnal !) c'était Arnal lui-même... et cet autoportrait avec sa signature représente sans doute le point final et le tout dernier dessin de sa carrière...

Pour mieux connaître le parcours de José Cabrero Arnal, il existe cet ouvrage qui est un peu la biographie définitive, permettant au passage de découvrir également l'étendue de son travail en Espagne, avant la guerre.
Il est écrit par Philippe Guillen, qui y fait œuvre d'historien :


samedi 6 août 2022

Une gazette et un hommage...

La OUF-GAZETTE... 

Une version gratuite, pour un hommage spécial.

Georges Rieu, disparu l'année dernière, fut l'un des grands artisans de la métamorphose du journal Vaillant pour en faire Pif-Gadget, c'est-à-dire une forme de révolution dans l'édition BD en France, mais peut-être plus encore au sein du groupe de presse dont ce journal était l'emblème jeunesse, et qui appartenait au Parti Communiste. 

Dans ce numéro, un dossier est consacré au parcours très singulier de Georges Rieu (arrivé au journal en 1957, pour en devenir rédacteur en chef en 1965, jusqu'à son départ en 1971).
Un autre grand dossier se penche - avec archives et nombreux documents - sur la métamorphose du journal entre 1960 et 1968, et surtout en 1965 quand il devint "le journal de Pif". Changement de maquette, de format, de contenu, de papier, de logo, de... tout !
Et tout cela intervenait dans un contexte social et politique également très mouvant, que ce dossier propose de revisiter.

Ce numéro est le plus important en pagination (94 pages dans sa version complète !), et nous vous proposons de le découvrir ici, dans une forme "light" (les images sont en basse définition, il manque 25 pages et de nombreux passages et les liens vidéo ne sont pas actifs). De cette manière, vous pourrez tout de même découvrir une partie de la biographie de Georges Rieu, et grappiller de nombreuses informations pour vous faire une idée du contenu de cette "gazette" !

Les années 60 et Pif... un moment très étonnant et une transition entre deux générations, passant du souvenir de l'après-guerre... à la pop-culture pour teenagers et la société de consommation !
1966 fut par exemple "l'année porte-clés", et la journal se mit à échafauder de nouvelles stratégies commerciales...
Côté BD, ce fut aussi l'arrivée de Gotlib et Mandryka, le retour des Pionniers de l'Espérance dans leurs premiers récits complets (format qui allait se pérenniser...), et un nouvel esprit, plus "en phase" avec la jeunesse de l'époque.
Mais le journal tenta de ne pas oublier ses "fondamentaux", même si ce fut parfois de manière surprenante. Nous racontons tout cela... et bien plus.

Pour obtenir cette version gratuite de la Ouf-Gazette, cliquez simplement sur son image en haut à droite, qui vous ouvrira la page de téléchargement !

LE FILM !

Chaque numéro de la gazette est associé à un petit film (documentaire, entretien, montage d'archives, etc...) qui est exclusif et inédit.
De nombreux films sont par ailleurs présentés accompagnés d'une fiche ou d'un petit dossier illustré (Hugo Pratt chez Pif, les début de Gotlib et Gai-Luron, l'histoire du 1er Pif-Gadget, la saga Zor et Mlouf, l'histoire du personnage de Dr JUSTICE, Les "Vaillants" et l'héritage résistant, les gadgets scientifiques de Pif, des rencontres et portraits de Gérald FORTON (Teddy Ted), André CHERET (Rahan) NORMA (Capitaine Apache), etc...)

Le film associé à cette gazette (qui donne d'ailleurs accès à d'autres clip vidéos) dure 16 minutes et on y retrouve Georges RIEU, Richard MEDIONI, Jacques KAMB, Marcel GOTLIB, Nikita MANDRYKA, et Christian GODARD raconter ce que fut cette grande transition des années 60 pour le journal.

Voici quelques images tirées du film accompagnant ce numéro-dossier (réservé aux abonnés) :

 
Il est toujours possible de s'abonner (recevoir les prochains numéros directement - complets et en haute résolution ! - et 2 numéros ou dossiers précédents au choix).

Vous pourrez aussi choisir de devenir un souscripteur à part entière du projet pour le soutenir - et recevoir en cadeau à la fin de l'année (si tout va bien !) la version papier de la Ouf-Gazette (en format hors-série 140 pages, avec des archives et entretiens inédits + des bonus).

Envoyez-nous pour cela un mail : pif-film@orange.fr


mercredi 13 juillet 2022

Pif et la révolution de 1789

 À l'occasion de cette fête annuelle du 14 juillet, l'idée est venue de partager avec tout le monde un petit dossier et un entretien exclusif sur le sujet, mais à travers Pif.

Plus précisément, le souvenir d'une vaste campagne du journal Pif-Gadget à l'occasion du bicentenaire de la Révolution Française avait donné lieu à une rencontre avec celui qui en fut le rédacteur en chef à l'époque, Claude Bardavid.
Et le petit film qui en fut tiré il y a quelques années, à l'attention des abonnés de ce projet patrimonial sur le journal en question... a donné envie non seulement de compléter et enrichir le dossier qui l'accompagnait... mais de rendre tout cela accessible à tous, exceptionnellement !

Vous m'avez suivi ? Oui ? Non ?

Peu importe.
Vous trouverez à la fin de cette page une image sur laquelle cliquer, pour accéder à la page de téléchargement du dossier en question, au format PDF et contenant le lien de visionnage de la vidéo.

Dans le film (qui dure un peu plus de 10 min) vous découvrirez comment s'était articulée l'opération Bicentenaire, et Claude Bardavid nous en montrera même quelques éléments de préparation de l'époque.

Et à travers le dossier à télécharger, vous pourrez revoir les images marquantes de cette campagne - qui s'était étalée sur 10 mois ! - et découvrir des images plus anciennes, telles qu'on les trouvait dans Vaillant ou Pif-Gadget à l'occasion des célébrations du 14 juillet... durant plus d'un 1/2 siècle.

Ci-contre : un numéro qui a marqué, et dont vous découvrirez le gadget... animé. ;-)

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CLIQUEZ SUR CETTE IMAGE POUR
TÉLÉCHARGER GRATUITEMENT LE PDF !

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Pour toutes les infos (et s'abonner à la gazette, ou même devenir souscripteur de tout le projet) écrire à :  

 

 


lundi 6 juin 2022

Souvenirs de l'ami NICOLAOU...

Jacques Nicolaou  -  1930 - 2022

Le papa adoptif de Placid et Muzo (depuis 1958) nous a quittés le 30 mai.

Par un coup du sort - ou un ultime gag du destin - le très long article illustré prévu pour cette page a été effacé avant qu'on puisse le publier, dans le crash de l'ordinateur qui le contenait...

Cette page sera modifiée dans quelques jours (le temps de récupérer des informations sur des sauvegardes externes).
En attendant, nous souhaitions adresser nos pensées à sa fille Béatrice, présente auprès de lui jusqu'à la fin. Bien des souvenirs nous liaient à son père, et notamment un week-end à Bourgoin-Jailleu en 2010, ou une mémorable journée en son honneur, dans sa ville de St-Georges-de-Didonne, en 2012.

Il y eut aussi sa participation, pour la première fois, au festival BD d'Angoulême en 2013 et la nouvelle d'un musée éphémère dans sa ville l'an dernier, dont nous avons appris qu'il sera déplacé et rendu pérenne d'ici la fin de l'année.

Un grand dossier autour de Jacques Nicolaou, avec un dernier entretien réalisé l'an dernier et de nombreux documents et souvenirs, était prévu pour une parution cet automne. Il ne le verra pas, mais eut le plaisir d'en découvrir quelques extraits et notamment ce visuel, en haut de la page, créé également sous forme de carte souvenir à son intention.

Adieu Jacques, le plus discret des dessinateurs BD, que le manque de prétention avait par contraste rendu d'autant plus sympathique auprès de ses anciens lecteurs, dont Placid et Muzo firent partie de leurs toutes premières lectures d'enfance.