jeudi 22 septembre 2022

François Corteggiani, 1953-2022

Il est souvent question dans ces pages de la disparition d'un auteur ayant travaillé pour le journal, qui nous a marqués, que nous apprécions, etc.
Bien souvent, celui qui m'appelait pour m'apprendre la triste nouvelle (ce fut le cas l'an dernier pour Mandryka, par exemple), c'était François Corteggiani.
Je n'aurais jamais imaginé qu'il s'en irait soudainement, le jour de son anniversaire (21 septembre, début de l'automne), à l'âge de 69 ans à peine, et que nous nous retrouverions tous à évoquer sa disparition... à lui... :-(

Je vais simplement reprendre plus loin le texte posté sur Facebook aujourd'hui.
Il y aura des hommages très nombreux, car Corteggiani était réellement le "monstre" de la BD populaire, qui avait connu à peu près tous les grands auteurs, avant d'en devenir un à son tour, et faisant participer un très grand nombre de dessinateurs à ses diverses créations ou reprises. Quand on pense qu'il reprenait depuis de nombreuses années le scénario de séries aussi célèbres que Jonathan Cartland, Guy Lefranc, Blueberry...
C'est dire à quel point il vient de laisser un grand vide.


Ci-contre : en 1993, à l'époque où Pif-Gadget cessait de paraître, François Corteggiani avait eu droit à un grand entretien, et la couverture,  dans HOP! - revue créée et dirigée par un ancien du journal : Louis CANCE.

En 2012, il avait même réussi à écrire un album des Pieds Nickelés, avec son ami Herlé au dessin, et ils préparaient un second album prévu pour l'année prochaine, mais qui ne verra pas le jour.
Voici la couverture de l'album paru.


Il y a 2 ans, il avait eu le plaisir d'éditer lui-même, dans un bel album, l'intégrale de sa série pour Pif-Gadget, Pastis (nous en avions fait la promo alors), qui était indirectement un hommage à son grand frère Jean-Pierre Corteggiani, archéologue. Ce dernier s'était éteint en début d'année.


Son caractère entier, parfois emporté, dissimulait une vraie générosité, tandis que sa carapace d'auteur solitaire cachait mal son plaisir d'être (bien) entouré. La création de son "Bistro-BD" était peut-être la manière parfaite qu'il avait trouvée pour créer ce grand moment de convivialité indispensable.
Voici le lien pour parcourir l'article illustré (et le film de l'événement) à l'occasion de l'édition 2013 de son "Bistro-BD".
Ce jour-là, François fêtait aussi ses 60 ans :

http://mandrake-de-paris.blogspot.com/2014/03/bistro-bd-dedicaces-au-soleil.html

Il est tout de même troublant, pour ne pas dire plus, que l'auteur qui avait repris le scénario du Pif d'Arnal fasse exactement comme ce dernier, et "choisisse" de nous quitter précisément le jour de son anniversaire. Il aimerait certainement cette info paradoxale et la partagera à coup sûr avec son ami Mandryka, quand il le retrouvera.

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Facebook - 21 septembre 2022 - 13h

C'est complètement hallucinant...
On souhaitait son anniversaire hier à François Corteggiani (qui fêtait ses 69 ans) et ce matin on apprend sa disparition.
Dans 10 jours doit se tenir le Bistro-BD qu'il avait créé à Carpentras et qui était la réunion la plus conviviale possible d'auteurs de BD et de lecteurs, sous le soleil provençal...
C'était (incroyable de parler de lui à l'imparfait...) un pilier de la BD franco-belge (mais aussi italienne !), le scénariste d'innombrables séries (La jeunesse de Blueberry, Lefranc, mais une infinité de bandes dans tous les registres - il avait même repris les Pieds Nickelés, dessinés par son ami Herlé). Ceux de ma génération se souviennent évidemment de sa reprise du personnage de Pif dans le journal éponyme (dont il fut le rédacteur en chef BD dans les années 2000, lui qui avait passé une bonne quinzaine d'années au journal à partir de 1973). Et depuis 2011 il était l'auteur des fameux "strips" de Pif le chien dans le journal qui avait vu la naissance du personnage en 1948 : L'Humanité.

(Ci-dessous, son 1000ème strip, hommage à Arnal :)


C'était un interlocuteur toujours passionné, animé, fondu de BD, collectionneur invétéré, qui emplissait l'espace physique et sonore, qui était devenu la centrale atomique de la BD populaire, connaissant et fréquentant tous les auteurs, lui qui avait également constitué un véritable réseau avec les dessinateurs italiens, lesquels avaient grâce à lui fait partie de l'aventure Pif, notamment.
Quel que soit le projet BD qui voyait le jour, non seulement François était le premier au courant... mais bien souvent il en faisait partie, ou avait été consulté avant sa mise en chantier.
Le nombre d'auteurs de la génération "post-Pif" qui lui doivent quelque chose est proprement incroyable.
Il m'avait permis de rencontrer les auteurs de son Bistro BD, et nouer quelques amitiés. Je me souviens d'ailleurs que la dernière fois que Mandryka s'était vraiment bien amusé à signer des dessins, c'était là-bas. (Et quand Nikita est mort l'an dernier, subitement, François ne s'en était pas remis).

Les voici en 2013, à Paris, s'amusant comme des sales gosses, en fin de repas :


Et c'est grâce à lui que j'avais notamment pu interviewer le grand Cavazzano.
On reparlait de tout ça au téléphone il y a 2 semaines à peine. J'ai appris qu'il s'est éteint, assez brusquement, à la fin d'un beau repas et entouré de sa famille et ses amis, venus fêter son anniversaire. Je suis certain qu'il n'aurait pas imaginé son départ autrement, mais évidemment quelques décennies plus tard...
Encore sous le choc, je partage une photo prise il y a 12 ans, et qu'il aimait bien (je l'avais alors surnommé "l'Orson Welles des p'tits Mickeys"), et plus bas une autre pour l'édition 2015 du Bistro-BD.
 
Toutes mes pensées à ses deux fils, Baptiste et Timothée, qui vont devoir reprendre la baraque, ce qui va être très lourd et compliqué.
(Baptiste travaillait avec François sous le pseudo Bonaventure, et assurait entre autres les couleurs du Pif dessiné par son père).

Ciao, l'ami François.

Jean-Luc Muller - 22-09-2022
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MISE À JOUR, décembre 2022 :
Sur le site BDZoom, Henri Filippini rend hommage à François Corteggiani et tente l'exploit de passer en revue la production phénoménale de Corteggiani. C'est en 2 parties, à lire ici :

http://bdzoom.com/182586/patrimoine/passion-bande-dessinee-hommage-a-francois-corteggiani%E2%80%89-premiere-partie/

http://bdzoom.com/182719/patrimoine/francois-corteggiani-passion-bande-dessinee%E2%80%89-seconde-partie/
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Ci-dessus : François en 2015, fier de présenter l'affiche dessinée par son copain Mandryka.

Ci-dessous
: montage-maison à partir d'une photo prise à la rédaction de Pif-Gadget à la fin des années 70. On y reconnaît Jacques KAMB (derrière l'enfant), le rédacteur Claude BARDAVID, André CHERET (au centre) et derrière lui, la tête qui dépasse est celle de François CORTEGGIANI :


 Épuisés, après une longue journée, non-stop, de Bistro-BD en septembre 2013 :

François Corteggiani au travail sur un strip de Pif le chien, en 2012 :

 
 François Corteggiani avait voulu dès 2014 réunir ses "strips" de Pif dans l'Huma en recueils.
Mais faute de pouvoir convaincre L'Huma (qui avait d'autres difficultés à gérer) ou un éditeur pointu, il avait décidé finalement de sortir ça lui-même, en pirate : ce sont les 200 premiers gags qu'il avait compilés (et ils étaient tous mis en couleurs, par son fils, car il faut savoir que les strips ne paraissaient, au début, qu'en noir et blanc, avant de passer à la couleur en cours de route).
Corteggiani se dessinait en 4e de couverture un peu comme il s'imaginait : en franc-tireur de la BD, sale gosse éditant ses petits strips au nez et à la barbe du grand patron, et à destination de son groupe d'aficionados... (Ce recueil est tellement "hors des clous" qu'on n'y dénichera aucune mention d'éditeur, dépôt légal, prix, nom de qui Que ce soit... Il en avait tiré 500 exemplaires, et je me demande s'il ne les avait pas tous vendus très rapidement d'ailleurs !)

Petite dédicace à l'auteur - une parmi d'autres - avec la référence à mon idole BD d'enfance, Mandrake :


 

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